La tunisie Medicale - 2018 ; Vol 96 ( n°010 ) : 826 - 833
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Résumé

Le système de soins tunisien passe par des phases de mutation et a besoin de réformes pour s'adapter. Le corps infirmier, acteur principal en nombre et fonction, est peu connu ou méconnu. Dans le cadre de cet essai, l'objectif a été d’éclairer la spécificité de la discipline infirmière et la profession infirmière à partir d’un recueil, de données, des écrits et des textes législatifs disponibles en Tunisie. Seront évoqués successivement, la démographie infirmière, leur formation au fil des réformes, l' « universitarisation » de leur parcours, leur profil de poste et leur plan de carrière. L'acquisition de compétences "cœur de métier" et de compétences "partagées avec les soignants" en collaboration, représente la feuille de route pour les rédacteurs des référentiels en cours de construction. Les instituts supérieurs en sciences infirmières sont en quête de moyens en formateurs, en ressources, les conduisant à l'ouverture de départements, préalable au lancement d'une école doctorale, seul incubateur de futurs enseignants et chercheurs. Les institutions privées de formation représentant un secteur d'investissement sont à évaluer du côté de l'employabilité globale. Des perspectives en 12 points seraient à planifier pour une profession pédagogiquement accréditée, professionnellement performante et socialement plus responsable.

Mots Clés
Article

INTRODUCTION
La demande de soins en Tunisie n’a cessé d’augmenter, en association à des exigences citoyennes, et en inadéquation avec l’offre de soins. Cet enjeu a déjàété évoqué dans une étude de l’OMS/EMRO sur les ressources humaines de Santé en Tunisie en 2013 «le système tunisien passe par une phase de mutations et a besoin de réformes pour s’adapter aux nouveaux défis qu’il affronte: une transition démographique en passe de se terminer, une transition épidémiologique avec la genèse de nouvelles demandes de santé, une transition sociale avec de nouvelles générations au mode de vie changeant et, tout récemment, une transition politique qui va transformer le régime politique du pays et son mode de gouvernance qui doivent s’adapter, dorénavant, à un citoyen plus libre et aux exigences en hausse.»(1).
Ces différentes mutations ont été à la foisdémographique (vieillissement de la population, avec bientôt 10% de personnes de plus de 65 ans, caisses de retraite en difficulté), épidémiologique (prévalence accrue des maladies chroniques,multi morbidité par exemple le diabète associé à l’hypertension artérielle), et socioculturelle(montée de l'individualisme lié à un urbanisme galopant, suite à un exode rural marqué, et encore par une augmentation de la sédentarité, terreau favorisant les perturbations d'une hygiène de vie saine).
Le corpsd’infirmières et infirmier s, en tant que composante majeure du système de santé, a pu observer, vivre avec, sans les qualifier, ces mutations,avant de pouvoir s'organiser et relever ces nouveaux défis. Or, ce corps d’infirmières et infirmiers repose sur un patrimoine historique peu connu voire peu reconnu.Michel Nadot, infirmier professeur d'histoire et d'épistémologie en sciences infirmières, a rappelé que plusieurs éléments majeurs ont contribué à cet état de fait. Selon lui, « l'absence d'écriture a participé à ce que l'expérience des soignantes profanes n'a pas pu être transformée en savoirs; le manque de structures académiques et scientifiques, ainsi que la complexité de l'activité de théorisation ont contribué au fait que le savoir spécifique est resté occulté».(2)
L’objectif de cet essai, est d’éclairer la spécificité de la discipline infirmière et de la profession infirmière en Tunisie, à partir d’un recueil de donnéesstatistiques auprès de directions du Ministère de la Santéet à l’aide d’un recensement des écrits et des rares textes législatifs disponibles. Le présent article est subdivisé en quatre parties. Un premier volet traitera des données démographiques du corps des infirmiers, des lieux et des champs d’activité. Le deuxième volet sera réservé à la formation du corps infirmier avec les plus importantes réformes datant depuis 1981. Ensuite, un chapitre sera consacré à la question du profil de poste et au plan de carrière. A la fin, nous envisageons quelques perspectives en vue de mieux faire reconnaitre un corps qui manque lui-même d’identité professionnelle.A chaque volet, nous introduisons des données relatives à la profession infirmière dans l’environnement maghrébin à partir d’une recherchewebographique.

1.    LA DÉMOGRAPHIE INFIRMIERE
En vue de répondre à cette multitude de défis, le corps des infirmiers constitue un maillon de la chaine de production de soins parmi d’autres professionnels de différentes spécialités qui œuvrent auprès de la patientèle/clientèle. Ce corps des infirmières et infirmiers est inclus, au gré des regroupements administratifs ou scientifiques, soit dans le corps paramédical (à côté des techniciens supérieurs aux nombreuses spécialités aussi bien soignantes que techniques, des aides-soignants), soit dans le personnel soignant, selon le tableau 1.

Tableau1 : Indicateurs de ressources sanitaires en Tunisie

Population tunisienne

 

11 446316 habitants

Nombre de lits pour le secteur de la santé publique

 

20 678 lits

Nombre de lits (pour mille habitants de la santé du secteur public)

 

1,8

Ratio habitants /1 agent paramédical(2010)

308 habitants

 

 

 

 

 

 

                                                                                                                                                                                           Source: www.ins.tn

Les lieux et champs d'activité des infirmiers (ères)sont très variés en Tunisie; à commencerparles établissements de première ligne (Centres de Santé de Base relevant du Ministère de la Santé),les services hospitaliers - pour le volet curatif des prises en charge médicales ou chirurgicales- en passant par le milieu scolaire et universitaire,où ils (elles) sont au service de la promotion de la santé, le milieu du travail, et enfin le milieu pénitentiaire.
La profession infirmière en Tunisie a comptéen 2016, 28435 membres, 18319 infirmières et 10161 infirmiers, affectés sur le territoire national, dans 2135 CSB (un pour moins de 5000 habitants), 108 hôpitaux de circonscription, 32 hôpitaux régionaux, 21 centres spécialisés et institutions et 14centres hospitalo-universitaires selon la carte sanitaire du secteur public. Le secteur privé de la santé fait aussi appel aux infirmières et infirmiers pour la prise en charge dans les cliniques (plus d’une centaine) réparties essentiellement sur le littoral.
Au Maghreb, quelques données chiffrées situent les proportions du corps infirmier dans chacun de trois pays, à savoir en Algérie en 2007, 19,5 infirmiers pour 10 000 habitants, et au Maroc et en Tunisie en 2009, respectivement à 8,9 et 32,8.D'autres indicateurs (cf. tableau 2) illustrent les effectifs des infirmiers et des paramédicaux dans les trois pays du Maghreb.

 
Tableau 2 : Indicateurs de ressources sanitaires au Maghreb

Indicateurs de ressources sanitaires

Tunisie

Algérie

Maroc

Population

11 446 316

(2014)

42 200 000

(2018)

35 224 468

(2018)

Nombre d'infirmiers ou de paramédicaux (PM)

28 435

103 000 (2012)

32000 (2017)

Nombre de paramédical/habitants

1 PM/308 habitants (2010)

1 IDE/ 582 habitants

1 breveté/ 1479

1 Aux PM /3410

1inf /133 habitants

 

Nombre de lits pour le secteur de la Santé Publique

20678

 

--

22075

(2016)

Nombre de lits/1000 habitants (Santé Publique)

1,8

--

1 lit/ 1551 habitants

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                             Sources: www;ins.tn;www.ons.dz;www.sante.gov.ma ;  Conf_PIAV_Halbouche_2014.pdf

 Afin d’optimiser les soins, l’infirmière identifie les besoins touchés du patient en adoptantune démarche diagnostique infirmièrequi permet une bonne connaissance de la personne soignée et une évaluation rigoureuse de son état de santé. Les sciences infirmières sont fondées sur une base théorique, qui traite de la santé, de la personne, de l'environnementet des soins infirmiers.La démarche de soins constitue alors une méthode pour appliquer des concepts dans la pratique(3)..
Le corps des infirmiers et infirmières reçoit la licence d'exercer sa profession en même temps qu'il reçoit son diplôme. Aucune organisation de type « Ordre » des infirmiers, « Observatoire » n'assure d'encadrement ni de suivi de ces professionnels. La Fédération Générale de la Santé sera leur seul interlocuteur.Leurs écrits ne sont pas publiés. Si dans une démarche d'enquête vous recherchez avec les outils de la recherche documentaire les textes publiés, vous rassemblerez des articles où ils font partie de cohortes à l'étude pour des enquêtes relevant de la Médecine du travail ou Médecine communautaire; ces écrits pourraient être utilisés comme preuves ou données probantes «  Evidence-Based Nursing » pour améliorer la qualité des soins et la santé des soignants.

2. LA FORMATION INFIRMIERE
Les infirmières et les infirmiers sont de formation initiale polyvalente.En Tunisie, la formation en sciences infirmières n’a pas échappé à cette évolution et aux nouvelles exigences nationales et internationales. La formation des professionnels de santé tente derépondre aux défis relevés par les mutations épidémiologiques, sociodémographiques, économiques et politiques. Dans ce paysage, les parcours de formation en soins infirmiers ont connu trois grandes réformes:
La première réforme en 1981 a été marquée par une orientation vers la formation des infirmiers polyvalents. Elle avait instauré l’approche modulaire avec l’introduction, dans l’enseignement, de la démarche de soinsavec l’utilisation des méthodes interactives dans la formation.Le système docimologique utilisé a été par «objectifs». Cette approche bien que médicalisée, a accordé une large place au rôle de l’infirmier et aux conduites à tenir, avec l’introduction du module «santépublique».
En 1991 a eu lieu la deuxième réforme qui a été réglementée par le décret du 02/08/1991. Le programme se basait sur des techniques d’enseignement riches en supports didactiques et audiovisuels. Concernant le programme, certaines disciplines ont été introduites telles que: Evaluation de la qualité des soins, initiation à la formation continue, gestion des soins infirmiers, initiation à la recherche documentaire et institution du mémoire de fin d’études.En octobre 2002 les écoles professionnelles changeaientd’appellation:«écoles de sciences infirmières».
La troisième réforme des études infirmières a démarré en 2006, période où la Tunisie assistait au changement de son système de formation universitaire et s’alignaitau processus de Bologne, afin de faciliter la reconnaissance de ses diplômes en rendant visible les contenus de parcours. Cette transition a été marquée par un changement dans le cursus de formation des apprenants. Ainsi, l’accès à la Licence Appliquée en Sciences Infirmières a été réservé aux bacheliers, sélectionnés sur la base d’un score et d’un test psychotechnique (secteur public). Le score est différent selon le genre, sachant que des mesures incitatives sont employées afin d'accueillir autant de garçons que de filles dans le secteur public. L’enseignement aussi bien théorique que pratique est à la charge des enseignants paramédicaux(enseignants issus du corps des infirmiers ou techniciens supérieurs et ayant accompli une formation pédagogique d'une année au Centre National de Formation Pédagogique des Cadres de la Santé), complété par des enseignements spécialisés assurés par des médecins de Santé Publique et des médecins universitaires. Le programme d’enseignement comprend des cours théoriques et pratiques à l’institut et des stages cliniques dans les services hospitaliers et extrahospitaliers.
Le décret n°2010-671 du 5 avril 2010, soit 4 ans après création Instituts Supérieurs des Sciences Infirmières (ISSI),a porté organisation administrative et financière des ISSI: sontdéfinis ledirecteur, le secrétaire général, le conseil scientifique, le comité pour la qualité, les directeurs des départements, le conseil de discipline. A ce jour, aucun des cinqétablissements: Tunis, Sousse, Sfax, Gabès, Le Kef n’a pu mettre ni en application ni en vigueur les modalités de ce décret.
Grâce à cette transition, la formation en soins infirmiers en Tunisie s'est « universitarisée »offrant à l'étudiant en soins infirmiers l'adoptiond'une posture professionnelle réflexive dans son parcours de professionnalisation. Cette « universitarisation » s’est inspirée du modèle français. Elle cherche à initier la construction de compétences définies par le texte de référence sur le diplôme d'infirmier aux IFSI en France(4). Cinq compétences émanent du rôle propre/autonome de l’infirmier dites du "cœur du métier", à savoir :
1. Evaluer une situation clinique et établir un diagnostic dans le domaine infirmier
2.Concevoir et conduire un projet de soins infirmiers
3.Accompagner une personne dans la réalisation de ses soins quotidiens
4.Mettre en œuvre des actions à visée diagnostique et thérapeutique
5.Initier et mettre en œuvre des soins éducatifs et préventifs
Et cinq autres compétences partagées, dans le cadre du rôle en collaboration avec les autres professionnels de santé :
6. Communiquer et conduire une relation dans un contexte de soins
7.Analyser la qualité des soins et améliorer sa pratique professionnelle
8.Rechercher et traiter des données professionnelles et scientifiques
9.Organiser et coordonner des interventions soignantes
10.Informer et former des professionnels et des personnes en formation
Ainsi, le passage au système Licence-Master-Doctorat (LMD) a représenté une opportunité pour la formation infirmière qui pourrait être reconnue à un niveau bac+3 et accéder à de nouvelles passerelles avec les autres filières de formation en santé.Les formateurs, essentiellement partie prenante de ce projet, sont des enseignants paramédicaux reconduits de l'établissement professionnel où ils exerçaient vers l'établissement de santé universitaire correspondant. Aucune mise à niveau n'a participé à ce "déplacement".
La précipitation de la création des ISSI (Instituts Supérieurs en Sciences Infirmières) pouvait faire admettre momentanément cet état de fait. A 12 ans de cette réforme, les besoins sont encore plus manifestes, car s'ajoutent les départs à la retraite de personnels formés dans les années 1980 et "remplacés" par des diplômés en sciences fondamentales.
Chaque Institut est lié à l'Université de sa région. Des réunions périodiques rassemblent les secrétaires généraux, les directeurs sont invités dans diverses commissions. Entre autres, c'est une commission sectorielle à la Direction Générale de la Rénovation Universitaire qui valide les programmes d'enseignement. Sa composition relève d'un équilibre difficile à cerner par les intéressés quand ils peuvent constater que des fondamentalistes vont statuer sur des programmes qui pour la moitié sont des pratiques à appliquer sur terrain !Les ISSI attendent l'Arrêté conjoint du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique et du Ministre de la Santé, relatif au programme d’enseignement de la Licence Appliquée en Sciences Infirmières.
Le changement de la formation professionnelle à l’universitarisation n’a pas été suivi d’un changement dans le milieu de la pratique des soins. Pr. Hichem Denguir a souligné que: "sur le terraindes pratiques, la formation souffre toujours du paradigme médecin-infirmier et des préjugés, qui nous font éloigner de l’objectif attendu, à savoir former un infirmier compétent. Nous vivons dans la période où petit à petit on s’attend à l’exercice d’une médecine fondée sur les preuves, qui remet en cause le principe d’un jugement empirique et valorise une approche scientifique basée sur des travaux rigoureux de recherche, permettant en quelque sorte, de « rationaliser » l’expérience des soignants. Ce changement de paradigme au regard de la pratique clinique fut associé à la nécessité de mieux connaitre les mécanismes qui sous-tendent la résolution de problèmes et la prise de décision".
Les domaines dans lesquels l’infirmier peut exercer son raisonnement et son jugement clinique, mentionnés par T. Psiuk,sont les suivants :
•    Identification des signes et symptômes liés à la pathologie, à l’état de santé de la personne et à leur évolution ;
•    Evaluation des risques dans une situation d’urgence, de violence, de maltraitance ou d’aggravation et déterminer les mesures prioritaires ;
•    Elaboration d’un diagnostic de situation clinique et/ou un diagnostic infirmier à partir des réactions aux problèmes de santé d’une personne, d’un groupe ou d’une collectivité et identifier les interventions infirmières nécessaires ;
•    Identification des ressources et potentialités d’une personne ou d’un groupe, notamment dans la prise en charge de sa santé"(5).
Le champ de la clinique infirmière est donc très large avec des zones d’interdépendance avec les médecins et les autres professionnels de santé. Il est très important de comprendre que l’autonomie professionnelle se développe dans une interdépendance à partir de la formation initiale, mais également à partir de l’expérience professionnelle. L’infirmière va développer les quatre habiletés nommées ci-dessus en identifiant rapidement en début de formationles niveaux de jugement clinique qui engagent une responsabilité professionnelle.
La formation paramédicale est également l’objet d’intérêt croissant de la part de l’investissement privé et le nombre d’institutions privés de formation ne cesse d’augmenter, exposant le pays à un souci d’effectif supérieur à ses besoins et qui peut engendrer un chômage élevé des nouveaux diplômés. La régulation de cette demande croissante de formation paramédicale pose un grand problème de gouvernance pour les départements ministériels concernés.
Le tableau 3 situe les effectifs respectifs des deux secteurs et la capacité à l'emploi, le tableau 4 illustre bien l'évolution du nombre des diplômés du public depuis 2009 et le tableau 5 du privé.
 
Tableau 3: Diplômés LMD des secteurs public et privé en Tunisie et Employabilité

 

 

Diplômés de l'enseignement public depuis l'instauration du système LMD, première promotion (2009)

 

5234

 

Diplômés de l'enseignement privé depuis l'instauration du système LMD, première promotion (2009) 

 

4676

 

En attente de recrutement en 2016 (public et privés confondus)

 

3182

 

 

 

 

 

 Tableau 4: Nombre de diplômés par ISSI (Instituts Supérieurs des Sciences Infirmières)depuis l'application du système LMD

 

Année Universitaire

Le Kef

Gabes

Sfax

Sousse

Tunis

Total

2008/2009

63

65

123

74

183

508

2009/2010

96

57

151

112

211

627

2010/2011

101

71

132

118

214

636

2011/2012

109

80

124

124

242

679

2012/2013

102

72

110

138

254

676

2013/2014

96

75

103

138

247

659

2014/2015

96

68

81

104

133

482

2015/2016

95

66

103

117

132

482

2016/2017

87

57

98

102

141

485

Total

845

554

1025

1027

1757

5234

 

 Tableau 5: Nombrede diplômés par établissement privé depuis l'application du LMD Licence- Master-Doctorat)

Année Universitaire

Institut supérieur ISIS Sousse

Institut privé Nejma  Sousse

Lycée privé Sousse

AMAD

Institut privé Kairouan

Université Mohamed Matri

Faculté Privé Sousse

Faculté privé

Tunis

Université centrale Tunis

اTotal

2010/2011

94

35

126

121

53

0

0

0

429

2011/2012

ND

ND

ND

ND

ND

ND

ND

ND

ND

2012/2013

ND

43

ND

74

18

0

0

ND

135

2013/2014

168

43

264

121

23

0

0

55

674

2014/2015

240

88

178

126

48

25

0

64

769

2015/2015

346

199

558

46

76

43

20

87

1375

2016/2017

532

262

185

57

37

52

33

136

1294

Total

1380

670

1311

545

255

120

53

342

4676

 

                                                                                                                                                                                                           Source: Unité Centrale de Formation des Cadres

 Lesdeux autres pays du Maghreb voisins de la Tunisie, à savoir, l’Algérie et le Maroc, n’ont pas échappé aux transformations des systèmes de formation des professionnels de la santéet ont connu un contexte similaire au contexte tunisien àquelques différences près. Ces transformations, dictées parles enjeux de la mondialisation caractérisés par l’intensification des échanges, la compétitivité, la productivité et la concurrence internationale, devraient permettre aux apprenants plus de mobilité et de flexibilité, avec l’avènement du système LMD
Dans le processus de ces changements, les trois pays du Maghreb (Maroc, Algérie et la Tunisie) ont adopté le LMD en vue de répondre à d'autres d’exigences; telles que l’accréditation du système de formation, l’amélioration de la qualité des soins et des services en lien avec les exigences et besoins de la population, la transition épidémiologique avec les maladies émergentes, la nécessité d’élaboration de nouvelles stratégies et des  approches pédagogiques.
En Tunisie, l’adoption du LMD a été mise en vigueur en 2006 avec la création des cinq instituts supérieurs des sciences infirmières. En Algérie, le dispositif universitaire de formation en sciences infirmières s’est mis en place en 2011 dans la région de Béjaia et en 2012 à Mostaganem. Pour le cas du Maroc, le système LMD a été instauré en 2013 avec la création des ISPITS (Instituts supérieurs des professions infirmières et techniques de santé), anciennement appelés IFCS (Instituts de formation aux carrières de santé). La spécificité du système de formation au Maroc est influencée par le modèle français. Il consiste à une formation d' infirmiers polyvalents et d' infirmiers spécialisés en anesthésie réanimation, en psychiatrie, en gériatrie, en soins d’urgence et soins intensifs, pédicure-podologue.
3. PROFIL DE POSTEINFIRMIER
Les interventions infirmières sont orientées selon trois rôles: rôle autonome, rôle en collaboration et rôle sur prescription. Selon le Conseil International des Infirmières (CII), « les soins infirmiers sont considérés comme les soins prodigués, de manière autonome ou en collaboration, aux individus de tous âges, aux familles, aux groupes et aux communautés – malades ou bien-portants – quel que soit le cadre. Les soins infirmiers englobent la promotion de la santé, la prévention de la maladie, ainsi que les soins dispensés aux personnes malades, handicapées et mourantes. Parmi les rôles essentiels relevant du personnel infirmier citons encore la défense, la promotion d'un environnement sain, la recherche, la participation à l'élaboration de la politique de santé et à la gestion des systèmes de santé et des patients, ainsi que l'éducation»(6).
De ce fait, le rôle autonome, dit rôle propre, consiste à prodiguer des soins selon une conception claire de la profession infirmière (accueil, éducation pour la santé, hygiène du malade, relation d’aide, démarche de soins, transmissions ciblées, dossier de soins). Le rôle interdépendant est résumé du fait que l’infirmier est censé travailler en équipe interdisciplinaire afin de prodiguer des soins de qualité pour la personne, les familles et la communauté. Le rôle sur prescription consiste à réaliser des interventions à visée diagnostique, thérapeutiqueet préventive.
Ainsi, l’infirmier est appelé à recourir à des outils scientifiques permettant de faire la transition de la pensée infirmière au geste technico-pratique afin d’assurer la qualité des soins prodigués aux patients.A ce jour, aucun texte ne définit les champs d'activité de l'infirmier. Les derniers textes sur le JORT ont été la « Règlementation de la profession d'infirmier ou d'infirmière: les diplômés ont seuls le droit d'exercer » (Jo02466.pdf - 24 Juin 1966) et « l’Arrêté fixant les actes autorisés dans les infirmeries privées » (Jo03075.pdf - 25 Avril 1975). L’encadré n°1 synthétise les textesjuridiques et réglementaires du corps infirmier de la santé publique.

 Le nouveau diplômé ne reçoit aucune information sur son champ d'action, ses droits et devoirs. Une fois affecté, il agit selon l'usage en place. Le code de déontologie et d'éthique vus en cours de formation et observés sur leur lieu d'exercice, leur servent de viatique.
A la recherche d'emploi dans le secteur public, le diplômé dépose sa candidature auprès de la Direction Régionale du gouvernorat (24 gouvernorats) de son lieu d'habitation.La centralisation administrative sur Tunis au Ministère réduit l'acuité des visions. Les particularités s'effacent au bénéfice des généralités. L'ancienneté est le seul critère d'avancement en grade. Les postes de surveillant sont fonctionnels, administratifs et pas encore reliés à la Direction de Soins. La Direction de Soins existe dans les organigrammes. Sur terrain, les services et les soins s'organisent selon la hiérarchie et les habitudes.L'épuisement professionnel étudié plusieurs fois dans des enquêtes sur terrain doit inciter à détailler comment vivent au quotidien les infirmiers et infirmières.Pour ces agents catégorie B, puis A3, A2 et bientôt A1,les circonstances économiques pèsent. Ils vivent dans un environnement où le deuxième emploi est courant pour satisfaire des besoins d'image sociale.

4. PERSPECTIVES INFIRMIERES:
Actuellement, des équipes soignantes tunisiennes construisent des référentiels de connaissances appelés « plans de soins » adaptés aux groupes homogènes de patients. Ces plans de soins types orientent la construction des chemins cliniques. Les actions de prévention en regard des risques sont formalisées sur cette trajectoire du patient. Les signes précis des complications sont apparents dans les plans de soins types,ce qui est un aide mémoire très précieux pour les infirmières, et les aident à développer un raisonnement clinique de bonne qualité et à rédiger leurs observations avec beaucoup de pertinence dans les transmissions ciblées.
Au niveau des ISSI, en parallèle avec un travail réalisé à l'Ecole Supérieure des Sciences et Techniques de la Santé de Tunis (ESSTST) pour aboutir à un consensus sur les pratiques, un référentiel d'activités infirmières est en train de se construire.Un séminaire de mise à jour des fiches descriptives des enseignements n'a pas trouvé date: le dernier a eu lieu en 2010.
Dans d'autres domaines, sur initiatives internes, des formateurs s'initient à l'apprentissage sur simulateur dans l'optique du "jamais la première fois sur un patient"!
A la fin de cet essai, nous envisageons un certain nombre de suggestions que nous estimons pertinentes et réalisables :
     Vers une profession pédagogiquement accréditée:
1.    Instaurer une ingénierie de formation capable de répondre aux évolutions en rapport avec les moyenset approches pédagogiques et les exigences de l’environnement hospitalier et des différentes structures de santé.
2.    Elaborer un référentiel de formation à partir d’un référentiel de compétences.
3.    Développer le savoir infirmier par l’écrit, la transcription, le transfert et la production de nouvelles connaissances; intégrer les PFE dans les bases descriptives de la profession
4.    Instaurer des ateliers de simulation pour mobiliser les connaissances  et la pratique réflexive
5.    Reconnaitre la richesse pédagogique  des formateurs par une formation universitaire complémentaire type M2.
     Vers une profession performante :
6.    Elaborer un référentiel des activités professionnelles des infirmiers et un référentiel de compétences.
7.    Créer le profil de poste, par la loi, de l'infirmier tunisien qui responsabilisera toutes les parties. Seront reconnus la part d'autonomie, la part collaborative, la part sur prescription.
8.    Produire un code de déontologie de la profession infirmière et le diffuser
9.    Reconnaitre et valoriser le savoir infirmier développé à partir de l’expérience, exemple la valorisation des années d’expérience (VAE) à l’instar d’autres pays développés.
10.    Mettre en vigueur les directions et les départements de soins qui sont mentionnés dans l’organigramme du Ministère de la Santé.
     Vers une profession socialement responsable:
11.     Déployer des efforts à la reconnaissance sociale d’un diplôme universitaire
12.    Etablir une communication efficace et continue entre chaque membre de l'équipe soignante: médecins, infirmiers expérimentés et novices, techniciens supérieurs, aides-soignants afin qu’ils se reconnaissent mutuellement dans un travail en collaboration. Mutualiser les efforts.

CONCLUSION
La santé est associée à la générosité, le corps des infirmières et des infirmiersest généreux.Une collecte des données nationale "ressources humaines infirmières" devra voir le jour afin de valoriser les interventions, reconnaitre la charge de travail, anticiper les évolutions.Les Technologies d’Information et de Communication (TIC) ont pris "rendez vous" avec les équipes pédagogiques et les étudiants, et en formation continue pour les infirmiers en exercice. Des plates formes ont commencé d'être exploitées (dépendantes encore des personnes). L'avenir devra les imposer, en priorité l'implantation du dossier patient informatisé.
Du système LMD de formation universitaire, le « L » de Licence a été abordé, le « M » de Mastère (des infirmiers – mastériens existent et exercent) devra trouver ses marques dans l'organigramme des établissements de santé. Et le « D » de Doctorat en sciences infirmières ne doit plus attendre pour que soient fondés les départements et toutes les autres structures appropriées à un établissement universitaire,à même de mettre à niveau les formateurs et les futurs (es) infirmiers (ères).

Remerciements :
Nous adressons nos vifs remerciements aux personnes ressources et aux personnes interpellées qui nous ont apporté aide et soutien :Mme. Zohra Ksiksi(Infirmière – PPM – Chargée des stages à l’Institut Supérieur des Sciences Infirmières de Tunis), Mr. ZiedSelmi(Unité Centrale de Formation des Cadres de la Santé – Tunis), l’Association Tunisienne des Infirmiers (ATI), Pr. ChokriHamouda (Directeur ISSIT – 2009 – 2016), Pr.  SouhilTliba (Doyen de la Faculté de Médecine de Bejaia – Algérie), Dr. Belarif El Hassen (ISPITSCS – Casablanca – Maroc) et Dr.  Dahdi Sidi Ahmed (DRH - Ministère de la Santé – Nouakchott –Mauritanie).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Références
  1. CHAHEDMK. - Etude sur les Ressources Humaines de Santé en Tunisie. 2013. Ministère de la Santé. OMS/EMRO
  2. NADOT M.- Recherche fondamentale en science infirmière. Recherche historique sur les fondements d'une discipline », Recherche en Soins Infirmiers, n° 109, juin 2012, p. 57–68.
  3. LYER P. W., TAPTICH B. J. et BERNOCCHI-LOSEY D. - Processus De Diagnostic Des Soins Infirmiers Et Infirmiers", 1986, p.10
  4. JORF Le journal officiel de la république française du 7 août 2009 :arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’État d’infirmier.
  5. PSIUK T. Raisonnement clinique et personnalisation des soins. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Savoirs et soins infirmiers, 60-285-U-10, 2009. p.2
  6. Conseil International des Infirmières (CII) ; définition des soins infirmiers ; disponible [en ligne] http://www.icn.ch/fr/who-we-are/icn-definition-of-nursing/Mise à jour le Mardi, 19 Juin 2018
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